jeudi 14 septembre 2017

Présidence de LR : qui pourrait encore soutenir Laurent Wauquiez, cet assisté de première classe ?


Laurent Wauquiez, assisté de première classe
Par Hadrien Mathoux
Publié le 14/09/2017 par Marianne

Photo d'illustration
Cela fait 13 ans que Laurent Wauquiez est "en détachement" de son poste de haut fonctionnaire au Conseil d'Etat, un tour de passe-passe qui lui a permis de cumuler des points de retraite pour un poste qu'il n'a occupé que deux mois... et une astuce reconduite, depuis septembre, pour 5 nouvelles années !


"L'assistanat est le cancer de la société française", "Vous laissez exploser l'assistanat", "Il n'y a plus assez de différence entre le travail et l'assistanat", "On est en train de faire tourner la machine à assistanat"



Voilà ce qu'on appelle une lubie. Laurent Wauquiez, favori pour remporter la présidence du parti Les Républicains en décembre, a bien du mal à prononcer un discours sans y caser une phrase stigmatisant les "assistés", ces citoyens pauvres et sans ressources qui osent survivre en touchant des aides publiques. 
Mais tout à sa courageuse charge contre les plus personnes les démunies de la société française, Laurent Wauquiez a oublié un petit détail : selon ses propres critères, il est lui-même un assisté, et un assisté de première classe.

Retour en arrière, en 2004 : Laurent Wauquiez a 29 ans, il est un jeune haut fonctionnaire sorti de l'ENA, qui vient d'être promu au poste de maître des requêtes du Conseil d'Etat après trois années comme auditeur, un poste inférieur. Une fonction prestigieuse qu'il n'occupera que deux mois. 

L'ambitieux choisit en effet de se mettre en "disponibilité" le 14 juin 2004, pour "se consacrer à la campagne électorale en vue d'une élection législative partielle". Son mentor, Jacques Barrot, a en effet été nommé vice-président de la Commission européenne, et a donc démissionné de son poste de député de la première circonscription de la Haute-Loire. Laurent Wauquiez prend sa suite, et est élu triomphalement au second tour avec 62,40% des voix face à son adversaire socialiste. Le néo-député abandonne donc son poste au Conseil d'Etat pour siéger au palais Bourbon... Mais, pratique coutumière à l'époque, il décide de se mettre "en détachement", et non plus "en disponibilité". La différence est de taille : elle permet à Laurent Wauquiez de conserver son avancement et de cumuler des points de retraite.
Le détachement a été renouvelé sans pause depuis maintenant 13 ans. 

Légal, mais amoral.

Laurent Wauquiez n'a travaillé que deux mois en tant que maître des requêtes en Conseil D’État, et en profite depuis pour se constituer une retraite confortable. Une forme "d'assistanat" qui ne l'a visiblement jamais gêné. Le 4 septembre 2017, le détachement du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a été prolongé jusqu'en 2022 comme l'a révélé Lyon Capitale qui a repéré un arrêté du journal officiel. La combine est d'autant plus habile que la loi de moralisation de la vie politique de 2014, dite "loi Cahuzac", s'est attaquée de front à la pratique du détachement des fonctionnaires élus. Elle empêche les ministres et parlementaires de se mettre en détachement, et les oblige à se mettre en disponibilité... Sauf que la loi ne s'applique qu'aux députés élus en juin 2017 à l'Assemblée nationale. 

Laurent Wauquiez a décidé de ne pas se représenter (tout en menant une campagne très active pour faire gagner sa suppléante), et n'occupe désormais que le mandat de président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il est donc autorisé à rester en détachement. Malin.

Notre assisté en chef est de plus en plus seul en son royaume, puisque les politiques abandonnent progressivement cette pratique douteuse. Marianne avait révélé en 2014 que le président de la République François Hollande s'était mis en détachement de la Cour des comptes depuis plus de 30 ans. L'Elysée s'était empressée de préciser que le chef de l'Etat avait démissionné de la fonction publique en 2012. L'actuel président, Emmanuel Macron, s'était mis en disponibilité à la suite de nos révélations. Lorsqu'il s'est déclaré candidat à l'élection présidentielle, fin 2016, il a même démissionné à son tour. En 2012, Bruno Le Maire avait fait de même, arguant qu'on ne pouvait "pas demander aux plus fragiles de prendre des risques, et en même temps maintenir une sécurité totale pour ceux qui sont les mieux placés dans la société". Un argument qui n'a visiblement pas convaincu Laurent Wauquiez.