lundi 26 mars 2012

L’enfumage du Professeur Philippe JUVIN pour justifier la position de Nicolas Sarkozy sur l’euthanasie


25 Mars 2012 Par Daniel Carré - ADMD *

Lors de la réunion du samedi 24 mars dernier organisée au Cirque d’Hiver par l’ADMD, le Professeur Philippe Juvin, porte parole du candidat Nicolas Sarkozy, a défendu le refus d’une loi autorisant l’euthanasie à la demande expresse d’un patient ne désirant plus affronter les souffrances physiques et psychiques de sa fin de vie. Mission courageusement assumée, devant une salle qui réclame une telle loi depuis plus de 30 ans. Le Professeur Juvin a construit son argumentation sur des articles parus dans les années 90 dans le très prestigieux NEJM (New England Journal of Medicine).

Ces articles exposent les conclusions d’études rigoureuses. Ils démontrent que les victimes de graves accidents qui ont provoqué des handicaps lourds, permanents et irréversibles acceptent de mieux en mieux leur état, au fur et à mesure que le temps passe. Le Professeur Juvin évoque aussi que les personnes handicapées ont sur leur état une évaluation toujours plus positive que celles de leurs proches.

« Donc, Mesdames, Messieurs, il suffit de bien accompagner pour que tout désir d’aide à mourir disparaisse. Et puis surtout, il ne faut pas écouter les familles confrontées à ces états tragiques, car elles risquent de faire pression pour une solution irréversible, l’euthanasie de leur proche qui souffre trop pour continuer à vivre. »

Les études d’épidémiologie sociale reposent sur une analyse statistique de questionnaires d’enquête. Le professeur Juvin ne parle dans son intervention que de tendances moyennes. Les demandes éventuelles d’euthanasie ou les idées suicidaires ne sont pas analysées, car elles sont toujours à la marge.

Les références précises du NEJM n’ont pas été données. Une enquête sur les « locked in syndrom » (LIS) a été publiée en 2011 par le BJM (British Journal of Medecine). Les conclusions rejoignent globalement celles exposées par le Professeur Juvin.

Mais l’étude publiée par le BJM montre une évocation constante et significative de demandes d’euthanasie par les malades, même si une majorité de personnes lourdement handicapées par leur LIS demandent à vivre. Ils sont cependant 58% à demander à ne pas être réanimés en cas d’arrêt cardiaque. L’article décrit une situation d’une extrême complexité qui ne permet aucun effet de plaidoirie contre l’euthanasie.

Or le professeur Juvin nous a affirmé avec l’autorité de sa position que la science médicale justifie pleinement le refus du candidat Nicolas Sarkozy de faire évoluer la loi sur la fin de vie.

«  Ne vous posez pas de questions, la Science démontre qu’il n’y a rien de mieux que la loi Leonetti, que le monde entier nous envie ».

Cette affirmation péremptoire est totalement invalidée par l’étude du BJM sur les « locked in syndrom ». Plus grave, des médecins n’écoutent pas les demandes des patients atteints de LIS. Ils refusent aussi d’appliquer la Loi Leonetti, comme l’illustre le très beau film « À la vie, à la mort » d’Anne Gorget décrivant la fin tragique de Michel Salmon.

Le Professeur Juvin nous a enfumé en nous racontant des histoires au lieu de regarder en face la réalité de la fin de vie des Français.

http://www.guardian.co.uk/society/2012/mar/12/locked-in-syndrome-sufferer-court-hearing?newsfeed=true

* Par Daniel Carré Délégué National chargé des usagers de santé de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), Administrateur du CISS Île-de-France, représentant en CRU
Voir son blog Médiapart

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