Myard, Goasguen, Luca : des «anars de droite» ?
François-Xavier Ajavon - Lundi 1 Août 2011
Il y a deux semaines les parlementaires de la Droite populaire organisaient un apéro «saucisson-vin rouge». Rien d'étonnant de la part de ces habitués des coups d'éclat. Mais est-ce à ce prix médiatique exorbitant que l’UMP doit exister à côté du FN, s'interroge François-Xavier Ajavon ?
Il y a quinze jours, sous les ors du salon Gabriel de l’Assemblée Nationale, un collectif de parlementaires fêtait sa première année d’existence ; son nom claque au vent tel un fanion : la « Droite populaire ». Les animateurs de ce mouvement de plaisantins bleus-bruns - connus pour leurs clins d’yeux appuyés à l’électorat frontiste et leurs provocations irritantes - avaient organisé un apéro « saucisson et vin rouge », qui n’est pas sans rappeler la réunion « saucisson-pinard » de triste mémoire, accommodée par le Bloc Identitaire et Riposte Laïque en juin 2010... Un happening visant à défendre la laïcité, mais aussi une démonstration de force de bouffeurs de cochon et de buveur d’alcool, excluant de fait les musulmans. Quand on fait cette remarque à Jacques Myard, l’un des joyeux promoteurs de la « Droite populaire », et député-maire de Maisons-Laffitte, il se gausse : «Faut vraiment être tordu pour y voir du mal. Alors comme ça on ne pourrait plus prendre un coup de rouge et un morceau de camembert?» Naturellement, c’est la droite « franchouille », voire un brin rustique, qui célèbre bruyamment ce qui fait toute une part de notre identité... Mais derrière l’idéologie roots (la politique du claquos...) se cachent des desseins peu louables, des prises de parole épaisses comme des tranches de Brie et un objectif pratique pour l’UMP, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012 : capter une part de l’électorat du Front National. Le mouvement, qui ne comptait qu’une quinzaine de membres à sa création, en dénombre aujourd’hui – sur les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat - plus du triple. Dans le contexte de la résistible ascension de Marine Le Pen, et d’un relatif assagissement de Nicolas Sarkozy (déléguant depuis peu à Claude Guéant les œuvres basses), ces parlementaires saucisson à l’ail et cubitainer ont pris l’habitude de faire entendre, dans les médias, la voix décomplexée de la phalange droite-droite de la droite de gouvernement.
Claude Goasguen, par exemple, député de Paris (XVI ème), a récemment rendu un rapport favorable à la suppression de la bi-nationalité. Ce breton fatiguant, et vice-président du groupe d'amitié France-Guinée équatoriale à l’Assemblée, s’oppose farouchement au droit de vote des étrangers. Fort en gueule compulsif, il a été épinglé, il y a peu, pour une amusante algarade avec un conseiller municipal PS qu’il avait qualifié publiquement de « demi-portion ». Sur la question de la bi-nationalité il aurait crispé Nicolas Sarkozy et Eric Besson (dont les jeunes épouses respectives sont concernées), et a du rapidement faire rentrer ce lapin inopiné dans son chapeau.
Autre cador du mouvement : le député Lionnel Luca, ardent défenseur de la peine de mort, en certains cas épineux, dont celui des crimes sexuels. L’élu donne, en ces termes, son sentiment au JDD sur le premier quinquennat de Nicolas Sarkozy : « Il y a encore du travail sur les questions d'immigration ou de sécurité. Il y a, par exemple, des bandes organisées dans les quartiers qui sont un fléau et il n'est pas possible de continuer ainsi. De ce point de vue, le karcher n'a pas été passé. » Lionnel Luca et la « Droite populaire » voudraient aussi passer au nettoyeur haute pression allemand les signes d’ouverture à gauche émis par Nicolas Sarkozy. « C'est le péché originel qui n'a fait que troubler son électorat », explique Lionnel. Amen.
Jacques Myard, député-maire de Maisons-Laffitte claironne, lui, que la pesante « Droite populaire » est : « une bande d’anarchistes de droite ». La notion, nébuleuse, est convoquée pour créer une atmosphère de sympathie fédératrice, dans laquelle on retrouve à la fois les bons mots de Michel Audiard ou d’Antoine Blondin, mais aussi les vitupérations d’Astérix le Gaulois. On entrevoit que pour Jacques Myard être un « anar de droite » c’est vivre son gaullisme avec un certains sens du rock n’roll, sans dieu ni maître. Ce mouvement qui se présente comme « bordélique », « autogestionnaire » et « folklorique », a pourtant été reçu par Nicolas Sarkozy, à deux reprises, en septembre 2010 et mars 2011, et son influence grandit.
Ces rebelles de poche ont réussi, notamment, à infléchir le débat sur la sécurité routière, en conduisant le Ministre de l’Intérieur à revenir sur son projet de retrait des panneaux signalant – à l’avance – les radars automatiques. Car oui, ces punks du dimanche en costume trois pièces ne veulent pas que l’on tape les chauffards au porte-monnaie. En outre, la « Droite populaire » entend défendre les budgets de la Police et de la Défense nationale, contre la traumatisante RGPP (révision générale des politiques publiques, visant au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ndlr), afin que l’ordre règne sur le pays, à travers les missions régaliennes de l’état. Car oui, ces élus têtus ne veulent pas que la France parte à vau-l’eau. Aux dernières nouvelles, Lionnel Luca voudrait interdire la grève des cheminots quand il fait soleil.
Et si ces petits comiques grenouillant à la droite de la droite - voulant initialement « contrer les dérives de l'UMP au centre gauche » - avaient tout simplement réinventé le poujadisme ? Poujade, vous savez, ce petit imprimeur devenu parlementaire oubliable, et champion des petits commerçants, qu’un certain Jean-Marie Le Pen accompagnait, quelque part dans les années 50... On suppute pour ces élus un avenir hasardeux, à la traîne de l’extrême droite et à l’ouest de toutes les autres orientations. L’un de leurs maîtres à penser, Michel Audiard, a fait dire à Lino Ventura dans les Tontons flingueurs que « les c... ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait ». C’est très vrai. Et l’hasardeuse « Droite populaire », de prises de parole fantaisistes en écarts de langage laborieux le prouve de jour en jour. Est-ce à ce prix médiatique exorbitant que l’UMP doit exister à côté du FN ? Espérons que non... Le gros rouge et le saucisson à l’ail... aïe.
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