Lettre ouverte à madame Mireille Faugère, directrice générale de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris
.../... Sachez que le maintien de monsieur Juvin dans ses
fonctions hospitalières serait ressenti comme une insulte pour tous ceux
qui servent avec conscience et dévouement l’AP-HP, dans le respect de
leur statut et de leur temps de travail.../...
Sur
atoute.org
Madame la directrice générale,
Il ne vous a pas échappé que la nomination de Philippe Juvin à
la tête du service d’accueil des urgences de l’hôpital européen Georges
Pompidou créait ce qu’il faut bien appeler un scandale dans
l’institution que vous dirigez.
Nous vous demandons que cesse cette situation dès que possible
pour les raisons que nous allons développer dans cette lettre ouverte.
Monsieur Philippe Juvin exerce des mandats électifs sans aucun
rapport avec ses activités professionnelles de professeur des
universités-praticien des hôpitaux. Il est notamment député au Parlement
européen depuis 2009 et maire de la Garenne-Colombes depuis 2001. Il
est aussi secrétaire national d’un parti politique important.
Le Parlement européen siège à Strasbourg et à Bruxelles. Si
l’on ajoute les sessions plénières, les réunions des commissions et
celles des groupes parlementaires, on arrive à plus de 130 jours de
travail par an (voir calendrier 2012 ci-joint). Au Parlement européen,
monsieur Juvin est membre titulaire de la Commission marché intérieur
et protection des consommateurs, membre suppléant de la Commission
environnement, santé publique et sécurité alimentaire, vice-président
de la Délégation pour les relations avec l’Afghanistan et membre de la
Délégation pour les relations avec l’Iran.
Ses activités de premier magistrat d’une ville de près de 30000
habitants occupent également une bonne part du temps de monsieur
Philippe Juvin. Il est difficile de donner une estimation du temps que
requièrent les autres activités extra-professionnelles de monsieur
Juvin, mais déjà lorsqu’il exerçait à l’hôpital Beaujon, son absentéisme
très élevé avait été déploré.
Les activités de PU-PH de monsieur Philippe Juvin sont pourtant
statutairement à temps plein. Nous sommes donc devant un cas d’emploi
en grande partie fictif puisque, compte tenu de ses nombreuses activités
extra-professionnelles, il est matériellement impossible à monsieur
Juvin d’exercer à temps plein son emploi hospitalo-universitaire pour
lequel il est pourtant rémunéré à taux plein. Comme les affaires
d’emplois fictifs l’ont montré, de tels cas sont susceptibles de
recevoir des qualifications pénales. Ni la directrice de l’hôpital
européen Georges Pompidou, ni vous-même ne pouvez ignorer la situation
litigieuse de monsieur Juvin.
Vous comprendrez aussi que cette nomination fait courir
d’autres risques pénaux à madame la directrice de l’hôpital pompidou en
cas d’accident se produisant dans un service dont la responsabilité peut
être mise facilement en cause du fait de l’absence du chef qu’elle y a
nommé.
Sachez enfin que le maintien de monsieur Juvin dans ses
fonctions hospitalières serait ressenti comme une insulte pour tous ceux
qui servent avec conscience et dévouement l’AP-HP, dans le respect de
leur statut et de leur temps de travail.
Il convient de rappeler que le processus de nomination du
professeur Juvin à la tête des urgences de l’hôpital Pompidou a été
émaillé d’anomalies que notre institution n’aurait pas dû connaître si
elle fonctionnait dans l’impartialité.
Trois candidats, dont monsieur Juvin, se sont déclarés pour
prendre la responsabilité du service d’accueil des urgences de Pompidou
au départ de celui qui en avait la charge depuis 1999 et devait prendre
sa retraite en novembre 2012. Il est notoire que l’actuel chef de pôle
auquel appartient le services d’accueil des urgences de l’hôpital
Pompidou et l’actuel président de la Commission médicale de l’AP-HP, qui
exerce à Pompidou, se sont opposés à la venue de monsieur Juvin, car au
moins un autre candidat, avait objectivement une bien meilleure épreuve
de titres et travaux, et aurait pu exercer de façon effective des
fonctions qu’il avait déjà assurées sur un autre site d’urgences. Devant
les obstacles rencontrés par monsieur Juvin à s’imposer dans des
conditions normales au sein de la communauté hospitalière de Pompidou, à
l’instigation de la direction de l’hôpital, un comité ad hoc,
soigneusement composé, a fini par exprimer un avis favorable à sa venue.
Les considérations objectives auraient dû imposer le choix du candidat
le plus méritant. Cela n’a pas été le cas au terme de manœuvres qui ne
font pas honneur à notre institution.
Lorsque le transfert de monsieur Juvin de Beaujon à Pompidou a
été examiné en Commission médicale d’établissement courant 2011, un vote
s’est tenu. Le résultat a d’abord été défavorable à cette mutation,
avant qu’un nouveau décompte donne le résultat inverse. Ce vote est
suspect d’irrégularité. Il serait souhaitable de solliciter à nouveau la
Commission médicale de l’AP-HP.
Pour hâter l’échéance de la nomination du professeur Juvin
comme responsable de service, l’administration a procédé récemment à une
modification de la structure du service d’accueil des urgences de
Pompidou en lui rattachant une unité fonctionnelle de l’hôpital Corentin
Celton sans lien privilégié ni direct avec les urgences. Ce
rattachement artificiel, fait sans respecter les formes comme cela vous a
été signalé, a permis fort opportunément d’enclencher le processus de
nomination du responsable de la nouvelle structure ainsi créée.
Parallèlement, le doyen de la faculté de médecine de
l’université René Descartes, dont relèvent les praticiens de l’hôpital
Pompidou, s’est opposé et s’oppose toujours au transfert du poste
universitaire de monsieur Juvin au motif d’une insuffisance notoire de
publications scientifiques.
Pour sa défense, Philippe Juvin affirme ne pas être le seul
dans sa situation. C’est sans doute vrai. Si vous avez connaissance de
cas comparables de cumul de fonctions et de rémunérations, il vous
appartient d’y mettre un terme, comme nous vous demandons de le faire
pour monsieur Juvin.
Toujours pour sa défense, monsieur Juvin excipe d’un classement
des services d’urgences paru dans l’Express en 2011, qui aurait placé
le service qu’il dirigeait à Beaujon « au premier rang ». Il s’agit d’un
classement des services d’urgence non pas individuel mais en cinq
catégories. La méthodologie en est sommaire et repose sur des
indicateurs peu pertinents (voir articles ci-joints). Il n’est tenu
aucun compte de ce qui importe vraiment, à savoir la qualité et
l’efficacité des soins effectivement dispensés aux urgences. Et surtout,
ce classement est établi à partir de la qualité des plateaux techniques
des hôpitaux et des déclarations des services intéressés, ce qui laisse
planer un doute sur l’objectivité des données recueillies en vue de ce
classement.
Il serait souhaitable qu’une enquête soit diligentée par
l’Inspection générale des affaires sociales sur l’ensemble de cette
affaire. Nous allons écrire au ministre du Travail, de l’Emploi et de la
Santé pour demander cette enquête car il nous paraît que l’institution
que vous dirigez se doit d’être irréprochable et ne peut laisser planer
de tels soupçons sur la situation de monsieur Juvin.
Veuillez recevoir, madame la directrice générale, l’assurance de nos respectueuses salutations.
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Bruno Devergie, vice-président de la Confédération des
praticiens des hôpitaux, président du syndicat des praticiens de
l’hôpital public
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Pierre Faraggi, président de la Confédération des praticiens des hôpitaux
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Anne Gervais, membre de la CME de l’AP-HP
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Bernard Granger, secrétaire du Mouvement de défense de l’hôpital public, membre de la CME de l’AP-HP
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André Grimaldi, président du Mouvement de défense de l’hôpital public
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Christophe Prudhomme, commission exécutive, Fédération CGT de la santé et de l'action sociale