Par Bernard Granger, secrétaire du Mouvement de Défense de l'Hôpital Public (MDHP)
Secrétaire national de l'UMP, député européen et maire de La-Garenne-Colombes, le Philippe Juvin a été nommé, fin février, à la tête des urgences de l'hôpital européen Georges Pompidou, à Paris, provoquant un tollé. Bernard Granger analyse dans son blog ce cas exemplaire de cumul des fonctions.
En 2005, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a remis un rapport dénonçant les graves négligences qui s’étaient produites dans un service d’anatomie pathologique de l’Assistance publique. Seule une partie de ce rapport a été rendue publique, car il mettait en cause plusieurs personnes dont le chef de ce service, professeur des universités et praticien des hôpitaux (PU-PH). Cet hospitalo-universitaire a reçu une sanction disciplinaire. Il lui était notamment reproché d’être peu présent dans son service. Le rapport établissait qu’il venait deux fois par semaine pour diriger son service, trois heures en général, entre 10h00 à 13h00. Il avait de nombreuses autres responsabilités. Il était en particulier député au Parlement européen. L’administration avait été également condamnée car sa responsabilité dans cette affaire était engagée. En marge de ce rapport, les inspecteurs de l’Igas avaient remis une note au ministre de la Santé qui avait commandé ce rapport, Xavier Bertrand, pour souligner l’incompatibilité existant selon eux entre les fonctions hospitalières des PU-PH et l’exercice d’un mandat parlementaire. Cette note complémentaire n’a pas non plus été rendue publique. Seuls des articles de presse s’en sont fait l’écho (voir par exemple article de Libération).
Plusieurs parlementaires étaient alors concernés et certains le sont toujours. Deux d’entre eux interrogés par la presse avaient d’ailleurs déclaré, pour l’un qu’il avait renoncé à ses fonctions de chef de service, pour l’autre qu’il avait diminué ses émoluments hospitaliers. Ces PU-PH sont de fait dans une situation de cumul puisqu’à leurs indemnités parlementaires s’ajoutent leur salaire de l’université et leurs émoluments hospitaliers, ce qui entraîne d’ailleurs une certaine jalousie de la part des autres députés et sénateurs.
Cette affaire, enterrée par Xavier Bertrand, ressurgit aujourd’hui. Un député européen, par ailleurs PU-PH, vient d’être nommé chef de service des urgences d’un grand hôpital parisien. Cette nomination a été mal ressentie par tous ceux qui exercent leurs fonctions hospitalières avec dévouement et dans le respect de leur statut. Les journées n’ont que 24 heures. Le mandat de député européen exige un travail à temps plein, comme l’a déclaré Diana Wallis, vice-présidente du Parlement européen.
Le statut des PU-PH indique aussi que l’intégralité des activités professionnelles doit être consacrée à l’exercice des fonctions universitaires et hospitalières.
Nous sommes donc devant un cas flagrant de cumul, ce qui ne semble pas émouvoir l’intéressé, qui se prétend capable d’assumer toutes ses tâches, mais que l’on ne voit pas beaucoup à l’hôpital. Il faut ajouter que cet homme est aussi maire d’une ville de près de 30 000 habitants et qu’il siège dans divers organismes, dont le fameux Établissement public pour l’aménagement de la région de la Défense (EPAD).
Un parlementaire, qu’il soit élu au Parlement français ou européen, n’a pas le droit d’occuper un poste dans la fonction publique, tout simplement parce qu’il doit être indépendant et ne doit être soumis à aucune hiérarchie administrative, laquelle relève du pouvoir exécutif. La loi prévoit deux exceptions (article 142 du Code électoral). La première concerne les ministres des cultes en Alsace-Moselle, qui sont payés par l’État, et les universitaires. Ces derniers jouissent de la liberté académique que leur garantit la constitution et ne sont pas soumis au pouvoir exécutif : ils sont nommés par leurs pairs et les universités sont dirigées par des personnes élues au sein des instances universitaires.
Le cas des PU-PH est différent puisqu’ils ont une double appartenance, universitaire et hospitalière. Dans leurs fonctions hospitalières, ils bénéficient de l’indépendance professionnelle comme tout médecin hospitalier, mais, pour le reste, ils sont soumis à l’autorité du directeur de l’hôpital. Le chef de service dont il est aujourd’hui question vient d’ailleurs d’être nommé dans ses fonctions par le directeur de l’hôpital. Les PU-PH sont donc soumis à l’autorité de quelqu’un qui dépend directement du pouvoir exécutif puisque le directeur de l’hôpital est soumis hiérarchiquement au directeur de l’Agence régionale de santé, lequel est nommé en Conseil des ministres et dépend directement du ministère de la Santé.
Dans cette affaire, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif se mêlent de façon anormale, grâce à de petits arrangements entre amis. Le pouvoir judiciaire devra trancher ces liens et dissiper ce trouble.
Le cas des PU-PH est différent puisqu’ils ont une double appartenance, universitaire et hospitalière. Dans leurs fonctions hospitalières, ils bénéficient de l’indépendance professionnelle comme tout médecin hospitalier, mais, pour le reste, ils sont soumis à l’autorité du directeur de l’hôpital. Le chef de service dont il est aujourd’hui question vient d’ailleurs d’être nommé dans ses fonctions par le directeur de l’hôpital. Les PU-PH sont donc soumis à l’autorité de quelqu’un qui dépend directement du pouvoir exécutif puisque le directeur de l’hôpital est soumis hiérarchiquement au directeur de l’Agence régionale de santé, lequel est nommé en Conseil des ministres et dépend directement du ministère de la Santé.
Dans cette affaire, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif se mêlent de façon anormale, grâce à de petits arrangements entre amis. Le pouvoir judiciaire devra trancher ces liens et dissiper ce trouble.
Bernard Granger (lire ici)